Thème « journal »
11 octobre : Areski a trouvé un nom pour le groupe. Blanche-Neige et les sept nains. Ce n’est pas que ça m’ennuie de faire Blanche-Neige, mais les garçons ne sont que cinq. Donc, inutile d’y penser plus longtemps, voilà ce que j’ai dit. Mais justement, a répondu Areski, c’est comme pour les trois mousquetaires. Un clin d’oeil. Un clin d’oeil ?
– Je ne vois même pas de quoi tu parles.
– Des trois mousquetaires.
– Et alors ?
– Ils étaient quatre.
– Comment tu le sais ?
– Tu n’as pas lu le livre ?
– Quel livre ?
– Les Trois Mousquetaires, bien sûr.
– C’est le titre ?
– Ben oui, c’est le titre. Qu’est-ce que tu veux que ce soit ?
– Je ne sais pas, moi… Les auteurs ?
J’en ai plein le dos, de tous ces bouquins que je ne connais pas. Areski était mort de rire. Il a raconté l’histoire aux autres nains au fur et à mesure qu’ils arrivaient de la mine. Et tous les nains de se gausser joyeusement.
Dans ce troisième tome très attendu de son journal, Aurore se met à l’écriture de chansons de rock et à la rédaction de fiches de lecture pour le cours de français. Avec l’humour qui la caractérise, Marie Desplechin a laissé libre cours à la verve créatrice de son héroïne. Elle qui a toujours été une excellente élève, s’est beaucoup amusée à imaginer les commentaires d’Aurore sur des classiques de la littérature comme La Princesse de Clèves ou Tristan et Yseult.
« Décrivez la vie d'une famille californienne en trois cents mots. » Avec un intitulé pareil, Clara-Camille Caramel avait peu de chances de gagner le concours d'écriture. La Californie, c'est loin, très loin de la Côte d'Azur. Et la vie de famille, elle ignore ce que c'est. Ses parents se sont tués en avion quand elle avait deux ans et demi, sa grand-mère est morte quatre ans plus tard. Mais l'écriture, c'est sa passion. L'imagination aussi. Et qu'imaginer, sinon ce qui vous manque ? Elle a gagné. Le gros lot consiste en un séjour dans une famille californienne. Une vraie. Avec un jeune homme charmant dedans. Il s'appelle Jeremiah et il écrit des lettres drôles, enjôleuses et poétiques à Clara-Camille. Le problème, c'est qu'arrivée à San Francisco elle tombe sur un Jeremiah de soixante-quinze ans qui vit seul avec un chien géant et fabrique des maisons dans les arbres. Clara-Camille a quinze jours pour se résigner. Mais si elle en profitait pour découvrir bien plus qu'une famille ?
« Je regardais vivre ma fille avec perplexité. Il me semblait que notre silence devenait trop sombre, compliqué, pénible et dangereux. Alors j'ai proposé un duel. Nous avons choisi nos armes : le papier, le crayon - un affrontement muet, mais plein de bruit. Ce que nous n'arrivions pas à nous dire à voix haute est sorti plus facilement sur la feuille en nous servant de l'humour comme garde-fou. Par une suite de petits événements, de querelles sans grande continuité, sans véritable logique ni raison se déroule le drame du couple mère-fille. Peut-être avons-nous appris par ce jeu d'écriture à vivre notre amour ? » S.M.
« Je me suis toujours réfugiée dans le silence; cachée sous le voile du secret, je peux me replier sur moi-même pour vivre toute seule mes histoires de petite fille qui refuse de grandir, qui voit avec angoisse approcher d'année en année le cap symbolique des dix-huit ans. Mais vient le moment où le voile se déchire, où le mystère se dissipe : le moment d'ouvrir les yeux et de voir. Voir qu'il y a les Autres et que parmi eux, il y en a Une qui me regarde grandir et à qui ma quête de solitude fait mal. Et comme je ne peux utiliser cette parole orale « vivante », qui en dit trop et pas assez pour montrer l'amour que je porte à ma mère, un amour qui vit grâce aux disputes et aux rapprochements, à un duel continuel et continué, j'ai tenté de l'exprimer par l'écrit en laissant agir les mots sur le papier magique. » A.M.


