Thème « fugue »
UPI, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Nous allons vous présenter les uns aux autres… Unité pédagogique d’intégration, je crois, ou un truc dans ce genre. En vérité, une voie de garage où sont parqués les gosses en difficulté ou en retard…
Je sursaute. Il y a un élève en face de moi. Il me dépasse de deux têtes. Plutôt mince, il a gardé les bras le long du corps, les mains ouvertes. Sa respiration est rapide et sa cage thoracique se soulève à chaque inspiration.
– Voici Jordan, dit le principal adjoint, et il se tourne vers moi. Et voici Lucie, continue-t-il en me désignant. Mais pourquoi me suis-je donc portée volontaire pour parrainer un de ces élèves ?
Personne ne choisit vraiment de vivre au 33, Georgiana Street. L’immeuble est situé dans un quartier peu engageant de Londres. Les appartements sont minuscules, sales, délabrés. L’électricité et le loyer se paient à la semaine. Seul avantage du lieu : Steve, le propriétaire, ne pose pas de questions.
Pour un garçon de 17 ans qui a fugué, l’endroit est idéal. Sam s’est réfugié à Londres parce que, ici personne ne sait qui il est, ni ce qu’il a fait.
Cerise et sa fille Bohême sont deux autres nouvelles locataires qui déménagent au gré des petits amis de Cerise. À 10 ans, Bohême se débrouille toute seule, car sa mère est bien trop fragile et perdue pour arriver à s’occuper de sa fille.
Au 33, Georgiana Street, on évite de se mêler des affaires des autres. Mais Bohême va bouleverser la vie de l’immeuble. Elle a besoin d’un ami, et c’est Sam qu’elle a choisi.
L’ensemble des besoins des êtres humains peut être classé en cinq catégories. Aujourd’hui, cette théorie est le principe d’un nouveau jeu de télé-réalité : La pyramide des besoins humains. Nous sommes 15 000 candidats, et dans cinq semaines il n’en restera plus qu’un.
Et moi dans tout ça ? Disons que je m’appelle Christopher Scott. Disons que j’ai dix-huit ans. Que j’habite sur un morceau de carton, dans la rue, à Londres. Enfin, peu importe mon nom, peu importe mon âge. Je suis le candidat no 12778. Je n’existe pas encore. Mais je risque fort de devenir quelqu’un, et même quelqu’un de célèbre. Et c’est bien ça le pire.
Une mère, on n’en a qu’une, pas vrai ? Même si elle picole toute la journée, même si elle oublie de vous acheter à manger, même s’il faut la tirer du lit le jour du versement des allocations chômage, il faut faire avec… Et Jono, du haut de ses quatorze ans, a toujours fait avec la sienne. Mais le soir où sa mère frappe sa petite soeur en pleine figure d’un coup tellement puissant que Julie valdingue à travers la pièce, Jono décide que c’en est trop.
Que peut-il faire ? Appeler la police ? Une assistante sociale débarquerait dans les trois heures et n’hésiterait pas à les séparer. Emmener Julie loin d’ici ? Mais pour aller où ? Jono n’en a pas la moindre idée, mais il sait qu’il est le seul à pouvoir protéger sa petite soeur.
Ils ont souvent tout perdu, famille, travail, maison, raisons de vivre, ceux qui arpentent le hall de la gare de Lyon sans espérer partir nulle part. Ils ont tout perdu et ils n'attendent plus rien. Parmi eux, il y a la vieille, élégante dans sa misère, cheveux coiffés, habits bleus. Ses copains de galère, Max, Henri, Élie, Céline. Ses combines et ses confidences avec Yvonne, la dame pipi. Ses trouvailles quotidiennes dans les poubelles garnies par les gavs, les nantis, les inconscients. Sa boîte à sucre, boîte aux secrets, aux souvenirs de la vie d'avant. Une routine comme une autre. Jusqu'au jour où la vieille aperçoit une toute jeune fille sur un banc. Elle est différente. Fragile. Elle semble regarder quelque chose intensément, à l'intérieur d'elle-même. Puis elle se lève. Et la vieille reconnaît son pas. Un pas perdu.
La police du pays entier est mobilisée depuis dix jours. Un petit garçon de 10 ans a disparu. La dernière fois qu’il a été aperçu, il était en compagnie d’une quasi-inconnue, une certaine Edmée. Son père, directeur de l’Observatoire de Paris, qui l’élève seul, l’avait confié à l’improviste, un soir de désarroi, à cette opticienne-astronome venue régler certaines lentilles délicates. Elle lui inspirait confiance. Depuis, l’enfant la revoyait de temps en temps.
Edmée est spéciale, elle est bizarre, témoignent ses collègues. Méticuleuse mais silencieuse. Secrète. On l’a vue subtiliser des clichés d’étoiles et de météorites. Elle a été licenciée depuis. Qui est-elle vraiment ? Une illuminée ? Une vulgaire kidnappeuse ? Une espionne ? Ou fait-elle partie de ces êtres qui traversent la vie des autres, comme des comètes, pour leur permettre d’accomplir une tâche, un destin, des retrouvailles ?